Soheib Bencheikh : une candidature, pourquoi faire ?
J'ai créé ce blog dans l'urgence. Je découvrais la candidature de Soheib Bencheikh et il me semblait utile de mettre en avant cet islam de France ouvert et laïque qu'il incarnait. Le site officiel elanrepublicain.net n'était pas encore opérationnel. Il l'est aujourd'hui. 
Face à une représentativité caricaturale et extrémiste de l'islam de France, incarné par le CFCM, il me semblait nécessaire en effet d'opposer le discours de musulmans laïques invisibilisés.
Pour les medias, il semble en effet que le vrai musulman ne peut être que barbu (ça passe sans doute mieux à l'image!), tenir le discours de l'UOIF et posséder ou non une culture théologique réelle (c'est sans importance).
L'idéal laïque incarné par un religieux pouvait sembler suspect et peut être l'est-il ? (Pas au nom en tout cas de la définition que je me fais de la laïcité). Mais comment ne pas songer à une volonté prosélyte dans une telle candidature ? La question est légitime.
J'ai sollicité à plusieurs reprises une interview de M. Bencheikh pour mieux comprendre les motivations de cette candidature, en vain. La lecture de son livre "Marianne et le prophète" m'a laissé plus perplexe encore. Quel sens donner à cette campagne ? S'agit-il vraiment de réveiller les consciences laïques ou de faire du prosélitisme musulman... ou bien les deux ? Car souhaiter donner une direction moderne à l'islam, c'est assurément vouloir que cette "religion qui dès sa naissance a été vouée à l'Universel" grandisse (tant il est sûr, pour ce théologien, que l'islam n'a d'avenir que s'il "marche avec son siècle").
S. Bencheikh se fait en effet peu d'illusion sur l'avenir d'un islam qui resterait, comme aujourd'hui, en marge de la société moderne. Et celà même si l'actualité nous offre plutôt l'image d'un islam litteraliste, obscurantiste plutôt prospère. Pour le théologien, cet islam peine à sortir d'une décadence de plusieurs siècles où l'intelligence créative et interprétative à complètement hiberné.
Alors, peut on reprocher à un religieux de vouloir sortir l'islam des ténèbres et partager sa foi ? Le désir de convertir "peut relever d'un noble sentiment. C'est la générosité de l'homme qui le pousse à partager ce qu'il a de plus cher" écrit Bencheikh qui refuse cependant toute contrainte. Pour lui, les textes sont clairs :" Dieu recommande de faire connaître aux homme Son chemin. Il ne dit pas : obligez-les à le suivre!"
"Faire connaître"... "transmettre le message"... Dialogue ou prosélytisme ?
Cette candidature a-t-elle finalement sa place dans une présidentielle en France ? C'est la question que je me pose et à laquelle je n'ai toujours pas de réponse. Relayée par les médias, elle pourrait sans doute nourrir le débat autour des enjeux de cette élection et replacer les questions de communautarisme, laïcité, discrimination positive... parmi les questions d'importance de la présidentielle. Est-ce le but ?
M. Bencheikh semblent toujours davantage s'adresser au croyant. Même s'il est pertinent dans sa critique de la version archaïque du droit musulman par exemple, qu'il sait interroger, c'est toujours en premier lieu aux textes qu'il renvoie, au droit musulman.
Les musulmans de France qu'une récente étude américaine juge plus tolérants que leurs autres confrères européens (un bon point pour le modèle français tant décrié !) ont adopté une modération dictée par l'instinct, le bon sens, le besoin de sociabilité. Ces musulmans seraient probablement plus à l'aise avec un soutien théologique étayant leur choix de vie, remarque Bencheikh. Le théologien répond à cette attente, mais il semble aussi établir une hiérarchie et mettre toujours en premier le respect des textes, éclairé il est vrai par une intelligence interprétative.
"Cette modération n'est pas, dit-il, le fruit d'un travail cohérent et convaincant".
Mais y aurait-il plus cohérent que le simple bon sens ?
Sur chaque question Bencheikh éclaire de son savoir théologique. Concernant le mariage forcé par exemple, il le déclare "sans fondement en islam", "explicitement interdit et juridiquement nul". Mais n'est-il pas avant tout choquant d'un point de vue des libertés individuelles, de l'égalité ? Concernant le tutorat, il écrit "j'approuve, quant à moi, l'avis des Hanafites, car la présence du tuteur masculin dans le but de défendre les intérêts de la femme relève de la culture arabe et non d'une législation religieuse éternelle et universelle".
Celà signifie-t-il que si elle relevait d'une législation religieuse il serait alors moins hostile au tutorat, cette aberration qui fait de la femme une éternelle mineure ?
Ce serait sans doute lui faire un faux procès, toujours est-il que le discours reste avant tout celui d'un religieux s'adressant à d'autres croyants. Finalement la philosophie de droit naturel semble n'être qu'un éclairage confirmant son interprétation religieuse ouverte des textes, jamais un postulat sur lequel se construit sa pensée religieuse. Il n'y aurait qu'une rencontre fortuite.
M Bencheikh semble finalement davantage dans une consommation de la modernité qu'une revendication clairement affirmée de celle-ci. Proposer une lecture des textes à la lumière des droits de l'homme est en soi déjà un premier pas, mais est-il utopique d'imaginer une approche droit-humaniste de l'islam ?
Ne pouvant poursuivre plus loin la discussion, je suspends pour l'instant ce blog et en lance un nouveau, uniquement consacré à la laïcité et la présidentielle 2007 :
Vigilance laïque 2007 : http://vigilance-laique.over-blog.com/
YB
- Parmi les musulmans invisibilisés on compte surtout ces personnes de cultures musulmane, athées, anostiques, apostats qui constituent une forte proportion de ceux sur qui on colle, d'emblée et malgré eux, une étiquette de "musulman". A celà, il est urgent de donner également la parole.
- Il se peut que je faisse erreur dans l'interprétation de cette candidature. Je ne demande qu'à être contredit. Jetez vos commentaires si le coeur vous en dit.